Muse
De muse qui s'amuse et qui musarde au vent,
La camarde se garde et se méfie d'autant,
Qu'en cultiver l'image si mutine, un homme
Repousse gentiment l'effet du temps et gomme
Des années les morsures et les renoncements.
Muse câline toi, qui inlassablement
Les vieux rafiots répare, rallume ce feu doux
Qui rend léger et fort, hardi, et même fou!
N'est pas muse qui veut. Il y faut le dosage,
Un soupçon de magie, de multiples visages,
L'oeil alerte et le trait... Ce petit rien qui guide
La flèche de l'archer, ce jugement rapide,
Cet art de déceler les désirs interdits
Et de faire émerger, délicat, le non-dit
Sans déclencher les foudres et culpabiliser,
Sans réveiller le doute... Aimer la vérité.
Muse, déploie tes ruses et sans relâche allume
Tes feux qui permettront de dissiper les brumes
De forger la beauté. Aiguise le ciseau
Qui sculptera la grâce. Et de surcroît s'il faut,
Capture dans l'espace un duvet de plaisir,
Goûte-le et fais-en un bouquet de sourire.
Et le retour du manque en phénix éclairé,
Des cendres de la nuit fait renaître une année.
Certes, frustré, l'artiste est souvent plus disert,
Et le malheur arrache, armé de ses misères,
A sa vive douleur, des cris multicolores,
Copeaux d'éternité, arabesques de corps
Que les satisfactions pourraient bien empâter.
Question de caractère. La muse de métier
En connaît le dosage. Elle sert aussi bien
Vénus et la sagesse et ne néglige rien.
La muse sait doser: c'est oser juste assez.
Et n'être pas timide, écrire peindre ou chanter,
C'est se sentir atteint, profondément touché.
Et c'est souvent l'audace innocemment jetée,
Qui projette hors de soi, décale les usages
Et de la création enclenche les rouages.
Oser le mot, le geste et tuer l'habitude.
Oser toujours aimer: même la solitude!
Pensées d’automne
Mon rêve n’est qu’un souffle, un minuscule espoir…
Amour était son nom : il luisait dans le noir
Peuplé de blancs fantômes et de vieux ennemis
Egrenant sans pitié leur vieille litanie.
Assoiffé de douceur, je n’ose respirer
Un air qui vient d’ailleurs et pourrait m’inspirer
Les plus folles pensées. Un air de la toundra
De la Russie lointaine, ou de la taïga,
Me rend léger, léger et me voilà cigale
Insoucieux et libre, tout prêt pour la cavale…
Heureux sont les amants qui peuvent tant rêver
Que les montagnes même en seront soulevées,
Et que la mer ouverte pour les laisser passer
Protège leurs secrets et connaît leurs pensées.
Chaque jour au printemps, sous ma fenêtre au matin, un rossignol fait un tapage obstiné, perché sur le grand if qui domine ma maisonnette. Et il revient le soir, obéissant au rythme de ses hormones, agrémentant joyeusement la solitude majestueuse du lieu.
Le rossignol
Rossignol du matin tu dictes ton tempo
Jettes au vent ton amour, méprisant tout repos.
Tu déclines tes trilles, tes jolies mélodies
Au vent tu les confies : par lui qui te maries.
Tu chantes et roules et glisses et tapes sur les sons,
Rebondis en cadence, ranimes les frissons.
Oui j'aime ta constance et ton obstination.
Tu chantes et chantes encore, exprimes ta passion.
Et c’est en écoutant ton chant grave et puissant
Qu’en l’oiselle grandit un désir languissant.
Elle s'approche alors attirée par la voix
Du mâle aux chaudes trilles, aux airs de bon aloi...
J’aimerais comme toi lancer mes décibels
Qui donneraient aux anges un regret de mortel:
« Ah ! Tomber amoureux, que ce doit être doux
Et que l’air à chanter, alors nous rende fous ! »
Pourtant dans mes tréfonds, une petite voix
Me souffle doucement une autre ritournelle.
C’est un mauvais coton que file cette loi.
Elle rend dépendant. Qui tire les ficelles ?
Chacun peut croire l’autre ou le diaboliser,
En faire tour à tour une pure merveille
Ou un parfait salaud. Pour démoraliser
C’est un beau mécanisme : plus dur est le réveil !
Mieux vaut être attentif et gentiment courtois,
Et jouir du bonheur de donner du plaisir,
S'en faire un point d’honneur : ainsi va le désir!
Et pour en recevoir, que ce soit "de surcroit".
Renaissance
En un jour, en un lieu, une image a surgi…
Toi qui ne le sais pas, tes épaules et tes mains
Vivent et grandissent et jouent au soleil de midi.
Et cette image vit, et mes yeux qui soudain
Sourient sans retenue, de ces épaules nues
Toutes entières offertes en sont ragaillardis.
Les humains dans mon cœur, les humains dans les rues,
Femmes enfants bébés, passants tout étourdis
Du bruit des cris des pleurs, l’humanité renait.
Monde vertigineux, tu te dévoiles enfin
Et ton immensité qui soudain apparaît,
Je la vois à travers un nombril anodin.
T’en dire la beauté, monde fou, je ne puis !
Remercie ce détail : grâce à lui tu revis.
SONGE EQUINOXE
Rayon de lune bleue sur fond de sylve chaude,
La lumière est ténue, la brume adoucit l'air.
De la porte lointaine qui s'ouvre sur l'éther,
La silhouette mince d'un ange s'échafaude.
Elle naît du néant, s'affirme et s'enracine...
Présence inopinée dans la demi-clarté.
Et sa voix qui soupire exprime l'anxiété:
"Je suis seule, aidez-moi, une crainte assassine
Vient troubler mon sommeil." C'est une apparition!
Elle est si belle ainsi, d'un voile enveloppée,
Fragile, douce, évanescente, d'aube nimbée...
Lui répondre ou se taire ? Là n'est plus la question:
Petit homme ébloui, le voici fasciné.
Il plonge et nage et glisse, s'envole et se dissout
Dans l'image et le son, l'allure et les dessous
De la belle irréelle qu'il élit Dulcinée.
Un kaléidoscope alors, arrondit le regard
De l'homme captivé. La douce et belle enfant
Se glisse en son nuage, d'un sourire se fend.
Le voilà prisonnier et sa raison s'égare.
Tous deux se lèvent et dansent, invoquant la folie,
Ecrivant en arabesque et dessinent des orbes,
De leurs corps de leurs coeurs, de leurs peau qui absorbe
Le feu d'un fier désir qui dans l'ardeur les lie.
Mais déjà l'aube naît. Le rêve s'atténue.
Il faut reprendre pied, et la réalité
Insiste méchamment: l'image délitée
De l'instant délicieux s'échappe dans la nue.
Lignes de mains
La main se tend la main fait signe
Sa forme joue dans le feuillage
Elle devient feuille de vigne
En un joli marivaudage
La main dessine un avenir
Qui tient au creux secret du jour
Le fil de ce qui se peut dire
Sur un petit geste d'amour
La main dévoile et donne aux yeux
Ses plus doux instants de bonheur
Elle souligne en son milieu
La fine ligne de ferveur
Que le doigt reprend en refrain
Et sculpte avec délicatesse
Attisant à jamais la faim
Que n'assouvira nulle ivresse
La main dispense tendrement
Le doux plaisir et la chanson
De l'autre qui tout de moi prend
Tout en chantant son oraison
La main découvre sous le voile
Le feu nouveau qui s'ignorait
Et fait jaillir en mille étoile
La révélation du secret
Ce qui de tout temps t'est promis
La main le donne en vérité
A ta main l'amour est permis
Car elle est toute humanité
Dame Nostalgie
Le souvenir des jours d’un amour exaltant
Envahit doucement le cœur de Nostalgie.
Elle souffre d’abord d’un manque permanent
De tendresse, désir et surtout d’harmonie.
Le temps est loin déjà de son prince charmant,
Le quotidien trivial a supprimé l’envie
De jouer, de chanter, de jouir en riant.
Elle avait un amant, il n’est plus qu’un mari…
Alors l’espoir est né d’un autre souffle chaud,
D’un tout nouvel amour qui ferait palpiter
Cœur et voix, âme et corps : il est là, tout nouveau
Ce sentiment soudain qu’on croyait à jamais
Enfoui sous le poids des devoirs et travaux
Que les obligations, les enfants, le métier
Ont entassé sans cesse, étouffant tout le beau
Tout l’espoir et l’amour que la vie promettait.
Il est venu soudain ranimer sa chanson,
Tentateur souriant, gentil porteur d’espoir
A travers les réseaux, virtuel mais si bon !
Il a promis l’amour, du matin jusqu’au soir.
Un amour fou enfin ! Elle n’a pas dit « non »…
Elle qui attendait languissant sans savoir
Qu’elle aurait en plein cœur, d’un gentil cupidon
La flèche qui soudain traverse le miroir.
Mais le destin parfois apparaît bien cruel,
Et la réalité ruine la fiction.
L’ange si prometteur qui rendait la vie belle
Est parti sans mot dire, et sa disparition
Au cœur de Nostalgie ouvre une plaie nouvelle.
Décidément l’amour est abomination :
Quand on l’attend en vain et qu’il est infidèle,
Que peut on espérer ? Il reste une question…
La vie qui continue, les enfants et les liens,
Le soleil qui sourit, les parfums et le vent
La rose et le lilas, le signe de la main
D’un inconnu qui vient, qui écoute et comprend.
Ces tout petits plaisirs sont ils si anodins ?
Ne sont-ils pas aussi plus précieux, plus grands,
Qu’un virtuel amour vécu sans lendemain ?
Amitié romantique : es-tu là ? je t’attends !
La jeune fille qui rêvait
Alors que l’aube claire, à peine se levait
Mince gracile et pure, une fille rêvait,
Sous un grand ciel violet, sans nuage et très pur
Assise sur la place, aux confins du désert
Seule parmi la foule, entourée de ses pairs
Qui ne la voyaient pas malgré sa fière allure.
Impatiente et douce, elle s'imaginait
Demain, ailleurs, libre, faisant mille projets
Sa vie bientôt, demain, serait de lait, de miel
Douce et folle et remplie : et bientôt grâce au ciel.
Hautes aspirations, rencontres merveilleuses,
Et succès littéraires. Mille pensées fougueuses
Attisant ses sourires et son si doux émoi.
Alors résolument elle se fit serment: moi
Ici et maintenant, dans la nuit qui s'achève
Je prends en main ma vie, je vais vivre mon rêve.
Demi-promesse
Comme un souffle de vent sur les lilas fleuris
Ouvrant tout grand les bras, un tout petit bonheur
Radoube mon rafiot : la chance me sourit !
Rose, la vie sourit, le rose est sa couleur,
Il ne me manque plus pour me dire ravi
Nez au vent, frémissant, qu’elle me dise l’heure
Et consente à demi, d’un œil vert qui dit « oui »
Faisons l'humour
L'air doux, l'œil vif et la voix claire
Il me salue et sans manières,
Saisit mes doigts d'un air ravi:
Sa voix réchauffe et il sourit.
"Ma belle il faut que je vous dise,
Les conventions sont des bêtises.
Le temps qui court nous est compté.
Je ne parviens pas à dompter
L'envie soudaine et radicale
De plonger dans vos yeux d'opale.
Sur vous je compte absolument
Pour assouvir un sentiment."
Et là-dessus il me confie
Au creux du cou un truc qui brille,
Et qui chatouille en même temps:
C'est une machine à r'monter l'temps.
Pour finir, il me dit tout net
Qu'il n'en peut plus et même qu'il tremble
Rien qu'à l'idée qu'un jour peut-être
Nous pourrions faire l'humour ensemble !!!
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